Aïta, ce cri qui devint chant

Arrivé au Maroc au tout début de la dynastie Almohade vers le XIIe siècle, l’Aïta est un genre musical traditionnel signifiant l’Appel. Son caractère oral tient son origine des tribus arabes de cette même époque, les Banû Hilal,Riyah, Zagbah etc.). Retour à la source de cette poésie chantée.

Le Caïd Aïssa et la légende de Kharboucha

On ne peut parler de l’Aïta sans citer le personnage de Kharboucha. La légende décrirait cette femme comme étant rebelle et révolutionnaire. Elle vivait dans la tribu des Ouled Zaid à l’époque protectorale et subissait la tyrannie du Caïd Aïssa Ben Omar qui faisait régner la loi du colonisateur français sur la région d’Abda. A cette époque dite du “Siba” (anarchie), les Caïds étaient considérés comme les “Seigneurs de l’Atlas” et profitaient pleinement des richesses des régions qu’ils gouvernaient. Kharboucha aurait donc vu le Caïd assassiner tous les membres de son village n’épargnant personne, même pas sa famille. Motivée par un profond désir de vengeance, Kharboucha a commencé à chanter, lors des Moussems, des textes haineux contre le Caïd Aïssa “mangeur de charognes et tueur d’oncles”…

Source: « Des femmes écrivent l’Afrique: L’Afrique du Nord » – Page 183-184-185

Ainsi, ses chants avaient pour but d’inciter les villageois à se rebeller contre leur tyran. Sa fin de vie ne fut pas glorieuse. Enlevée puis torturée jusqu’à la mort par le Caïd, Kharboucha est rentrée dans la légende grâce à sa personnalité hors normes et au message de résistance qu’elle a porté jusqu’à sa tombe. Elle inspira ainsi l’art populaire de la région de l’Ouest marocain et ses poésies continuent à se chanter jusqu’à nos jours.

L’Aïta, Un Patrimoine Culturel et Historique

Cet art traditionnel continue à séduire un large public au Maroc. Ainsi, plusieurs chanteurs tels que les Ouled Bouaazzaoui interprètent l’Aïta avec des textes d’actualité s’inspirant de la vie sociale marocaine.

Ouled El Bouaazzaoui est l’une des troupes musicales classiques les plus illustres dans l’interprétation du registre de la Aïta Marsaouiya, que l’on pourrait considérer comme un prolongement réussi de la Aïta citadine, allant de Casablanca jusqu’à Settat en passant par la région de la Chaouia au centre du Maroc et sur la côte atlantique. Son mode d’interprétation se singularise par les voix masculines efféminées, à l’instar du grand chanteur Bouchaïn Bidaoui (1925–1965) et les deux autres cheikhs pionniers : Mostapha Bidaoui et Abdellah Bidaoui. La troupe est composée de quatre frères. Ils ont grandi dans une famille où la Aïta était quasiment une pratique familiale. La mère, cheikha Bent Maryam et le père, Haj Bouaazzaoui Ben Saleh, étaient de grands maîtres de la Aïta. L’ensemble Oulad El Bouaazzaoui a participé à l’année du Maroc en France avec des concerts dans plusieurs lieux prestigieux, et a largement contribué à la naissance du Festival National de la Aïta organisé à Safi. — Maati Kabbal, source: Institut du Monde Arabe.

L’Aïta et Son Festival

Organisé à Safi par le Ministère de la Culture et en partenariat avec la Région Douakka-Abda, le Festival National de la Aïta propose une riche programmation pour décliner les diverses facettes de ce patrimoine de la musique marocaine. Plusieurs troupes animent des soirées musicales sur les scènes de ce festival.

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